Michèle Peyremorte août 1957 |
J'allais avoir 17 ans ; j'étais au lycée technique où, malgré un prix d'excellence en fin de 3e et le brevet des collèges (rien à voir avec le BEPC qui lui succéda), j'avais échoué sur décision de ma mère qui n'avait pas d'autre ambition pour moi que de me voir, comme elle l'avait fait au Crédit Lyonnais, travailler dans un bureau.
Tiens, je viens de penser que c'est Morgane, son arrière-petite-fille qui a répondu à ce désir : elle travaille, pour le moment, à la Société Générale….un retour de l'histoire….
Donc, comme je l'ai souvent raconté, toute mon enfance, j'avais rêvé d'un vélo... Un vélo qui m'était promis depuis toujours mais que je n'ai jamais eu car au dernier moment, j'étais punie car j'avais été sotte…. Je me rebellais beaucoup contre l'autorité assez tyrannique de ma mère et je répondais… J'avais déjà bonne langue et beaucoup trop le sens de la répartie… Donc, le vélo m'est régulièrement passé sous le nez ; heureusement, j'avais appris à faire du vélo avec une copine…
Cet été là, je me suis mise en tête d'avoir un vélo solex (le vélo avec un moteur) j'ai réussi à avoir l'autorisation d'aller m'inscrire à Fruit-Coop à St Péray pour emballer des pêches ; grâce à ma copine Maguy Barnoin plus tard Pleinet, qui me prêta son vélo pour aller jusqu'à mon lieu de travail.
C'était début juillet, il faisait chaud ; je me retrouvais dans une rangée de filles qui confectionnaient des plateaux de pêche. Un jour, alors que je m'affairais, il ne fallait pas traîner, je vis devant moi un gaillard que j'avais aperçu de loin lorsque j'étais venue m'inscrire et qui travaillait à la comptabilité ; son entrée en matière pour la conversation fut : « Vous n'en avez pas une bien mûre pour moi ? » Il s'agissait d'une pêche ! Peu loquace, je lui tendis le plateau que j'avais en mains et lui répondit : « Choisissez »….la conversation s'arrêta là.
Mais dans la matinée, il y avait une pause pour le casse-croûte et, pas découragé par mon peu d'amabilité, le garçon en question revint pour me faire un peu de conversation ; il était pas mal du tout : assez grand, athlétique, souriant...bref, je fus plus aimable et nous fîmes un peu connaissance. A chaque pause, il était là et lorsque le travail était fini, alors que je reprenais le chemin des Granges sur le vélo de Maguy, il me faisait un bout de conduite avec sa vespa, au ralenti…
Jacques Jouve dans la vallée de l'Eyrieux août 1958 |
Le 14 juillet, on ne travaillait pas l'après-midi, il me proposa de m'emmener danser à Douce-plage, une guinguette au bord du Doubs, vers Tournon. C'était tentant, j'acceptais sous réserve de l'autorisation maternelle, et là, c'était pas gagné… Le RV fut fixé à l'entrée du Pont des Granges si, j'arrivais à avoir la permission… Le charmant jeune homme m'avait tout de même précisé « qu'il n'aimait pas les lapins, expression « poser un lapin » ce à quoi j'avais répondu : « moi non plus. » Bref, après une interminable discussion ma mère finit par dire oui, j'allais au pont, ne le voyant pas tout de suite, je me cachais dans des WC qui puait pour ne pas arriver la première...heureusement, cela ne dura pas longtemps et je l'aperçus de loin… Je fus heureuse de le rejoindre rapidement car je craignais d'être imprégnée de l'odeur du lieu qui m'avait accueillie, sentir la m… pour un premier RV, c'eut été le comble!
On enfourcha la Vespa, pour moi, c'était une première, et comme je lui disais : « comment on se tient là-dessus ? Il me fut répondu d'une voix virilement énergique : « On se tient à l'homme » Cela me fit rire, il était marrant avec son air sérieux, et l'histoire entre Michèle Peyremorte et Jacques Jouve pouvait commencer, doucement, la fille était méfiante (sa maman lui avait dit que les garçons, quand on leur a donné ce qu'ils veulent (sic) ils s'en vont) mais le garçon fut patient mais volontaire ; les balades en vespa se multiplièrent : baignades dans la vallée de l'Eyrieux (ma mère avait fini par lâcher du lest) seulement il fallait que je sois rentrée à 20 heures pile, sinon pas de sortie le dimanche suivant…
Elle ne s'est jamais doutée des risques qu'elle nous faisait prendre pour arriver à l'heure : à fond la caisse, en doublant toutes les voitures, et sans casque obligatoire à l'époque mais...nous avions 17 et 18 ans, et nous étions invincibles, le monde était à nous….
Cela dura 3 ans, avec au milieu des mois d'armée, jusqu'au 2 juillet 1960, où nous avons convolé en juste noces : on a un peu précipité les choses pour pouvoir partir en vacances ensemble, ce qui, à l'époque, était impensable « hors mariage »… Il fallut pour cela faire un peu de forcing auprès de mes parents.
Au fait, à la fin de la saison des pêches, je n'ai pas acheté un solex, je me suis payée un séjour d'une semaine à Paris chez mon amie Marie-Rose ; j'envoyais une carte chaque jour à mon amoureux, histoire qu'il ne se refroidisse pas ! Mais j'eus tout de même le solex, acheté par mon Père, pour que je puisse faire un stage pour mes études à Bourg les Valence où je ne pouvais me rendre à pied…
Récit de Michèle Jouve 29 mai 2016
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