Michèle Peyremorte et son Vélosolex (Août 1957) |
Mamie :
Michèle a pris de l’âge et elle voulait un vélomoteur, un Solex. Je lui disais tu ne l’auras pas. Elle m’a dit qu’elle l’aurait et elle est partie à Fruit-Coop emballer des fruits pour se le payer
Elle était difficile. C’est là-bas qu’elle a connu Jacques. Un jour elle en parle : "J’ai connu un garçon, je peux l’amener à la maison." "Un copain ?" "Un copain !" On n’était pas ravis, elle avait 17 ans. Il avait le même âge mais quand il est venu ici il a dit qu’il avait 20 ans. Ça faisait mieux, d’ailleurs il était costaud, on pouvait le croire.
Jacques Jouve 18 ans devant la maison du travers -1957 |
Mais ça durait : ils se sont finalement fréquentés trois ans. On a cru que cela allait leur passer quand Jacques a fait son service militaire à Orange, mais manque de pot une lettre par jour et tous les dimanches il était là. Mon mari était furieux, il ne voulait pas. On n’était pas prêts à les marier.
Alors il a passé un temps ; pour finir, ils nous ont dit "si vous n’acceptez pas, on se passera de votre autorisation." Jacques avait une chambre à Bourg les Valence pendant qu’il travaillait à la Coop. Le dimanche ils allaient se balader et puis on a fini par les marier dans la chapelle à Granges, en 1960.
Ils sont partis en voyage de noces sur une Vespa avec une poêle derrière et alors les pauvres malheureux peuchère avec trois fois rien, une valise, une vespa et des ronds je sais pas s’ils en avaient, j’en sais rien. Enfin, bon ils étaient mariés.
Il y avait longtemps qu’il était promis de payer un vélosolex à Maman mais chaque fois qu’elle se disputait avec sa mère, l’achat était remis aux calendes grecques. Ça continuait comme pour le vélo qu’elle n’a finalement jamais eu parce qu’elle était tout le temps punie, elle était trop sotte. Mamie a trouvé que papa avait de belles dents.
Jacques Jouve et Michèle Peyremorte c. 1959 |
Maman :
On s’est connu en juillet 57, on s’est fiancé à Noël 58, ça a passé comme une lettre à la poste. Après papa est parti à l’armée en janvier 59, elle a dû penser qu’elle serait débarrassé de lui pour un moment. Papa avait 18 mois d’armée, il avait un mois de permission qu’il n’avait pas pris. Il m’a dit, si je les prends pas avant fin juillet, je les perds. On s’était dit et si on se mariait ? On pourrait partir en voyage (parce qu’on pouvait pas partir en voyage sans être marié).
Moi, je travaillais, j’avais un poste à Privas, c’était l’époque où on passait un week-end à Joannas, un week-end aux Granges. On dit à mes parents qu’on voudrait se marier au mois de Juillet " vous marier ? Pas de situation… " Opposition totale, en particulier de mon père. Papa s’est un peu énervé : "Attendez, il va y avoir 3 ans qu’on se fréquente, vous vous êtes mariés au bout de 3 mois. " Mon père l’avait pris de haut : "Monsieur, ne m’insultez pas !" Je lui ai dit : " Viens on s’en va ! ".
On a été manger au restaurant, on est allé au cinéma, il m’avait raccompagnée avant de prendre son train pour Marseille, pour la 1ère fois de ma vie j’étais rentrée à un heure du matin sans les avoir prévenus. Ma mère se lève et me demande : "D’où tu viens ? " je lui ai répondu "D’un hôtel avenue de la gare " et je suis allée me coucher.
Le lendemain matin je suis parti comme d’habitude pour Privas. J'ai écrit à ma mère. On ne peut pas se passer de votre autorisation puisque la majorité est à 21 ans ; par contre vous vous empresseriez de nous marier si j’étais enceinte, c’est pas très compliqué, s’il suffit de ça on en est très capable, alors réfléchissez bien car si je n’ai pas mon autorisation, je ne remets pas les pieds chez vous. Pas de réponse (y avait pas le téléphone). Pendant 3 semaines on a été à Joannas. Papi et Mamie était extrêmement vexés qu’on ne veuille pas de leur fils, ils le prenaient pour eux.
Michèle Peyremorte et ses futures beaux-parents Marie et Gustave Jouve au jardin de Tourvieille (août 1958) |
Le 1er Mai, je reviens aux Granges. Je me rapplique avec ma valise, j’arrive au haut des escaliers, ma mère, comme d’habitude, était en train de passer sa serpillère. Je lui dit "Bonjour ", elle me dit "Bonjour" et me dit : "Ah on a reçu ta lettre et bien c’est du beau, tu oses écrire des choses pareilles à tes parents et bien si tu crois me faire céder ma petite tu te trompes, on ne cédera jamais." "Jamais ? Alors on attendra 21 ans, mais je m’en rappellerai, tu peux être sûre que je m’en rappellerai ! "J’ai pris ma valise et je suis partie. Elle m’a rattrapée au milieu des escaliers, elle a compris qu’il y avait une limite dépassée. Allez, c’est fini, on en reparle plus. Et on n’a jamais plus reparlé de ça.
En fait, Papa a dû faire 28 mois d’armée, de janvier 1959 à mai 1961, il a eu une rallonge à la suite du putsch d’Alger (21/4/61), mais comme il avait cumulé des jours de permission, il a pu prendre une permission libérable pendant laquelle on nettoyait la salle.
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