vendredi 13 mai 2016

Bonjour ma cousine, Bonjour mon cousin germain

Un arbre généalogique peut se caractériser aussi bien par la faible mobilité de ses membres qu'au contraire, par une grande variabilité dans les origines géographiques des ascendants qu'il contient.
Sur une carte, on s'aperçoit très vite si nos ancêtres furent plus ou moins mobiles, et s'ils eurent ou non, la possibilité de faire leur vie au même endroit que leurs propres parents et grands parents.
Lorsque l'on examine l'arbre généalogique des deux branches Jouve et Peyremorte, on perçoit une nette différence de ce point de vue là.


Alors que les Jouve-Gazel sont ancrés uniquement en Ardèche (un peu partout dans le département d'ailleurs), les Peyremorte-Grassot (mais surtout les Peyremorte) sont issus de la Drôme mais aussi de l'Ardèche, de l'Isère, du Vaucluse, du Gard, des Alpes de Haute-Provence, du Doubs et des Bouches du Rhône, sans compter la Province d'Alicante en Espagne via l'Algérie grâce à la "belle algéroise" ou plutôt Marie Pascaline Plana.


De fait comme on va le voir et jusqu'à relativement récemment, la mobilité a été un peu une exception et lorsque l'on partait du village natal en général, c'était pour aller gagner son pain ailleurs.
Demeurer dans une même aire géographique conduisait nécessairement à se marier dans sa communauté ou bien dans un village avoisinant. Il semblerait d'ailleurs que jusqu'au 19ème siècle, les choix matrimoniaux étaient opérés à 90% dans un rayon de 10 kms soit deux heures de marche de la maison..
Ce phénomène que l'on appelle l'endogamie (le mariage dans une même communauté géographique, sociale ou professionnelle), quelles traces laissent-ils dans les arbres généalogiques Jouve/Peyremorte ?


Pour plus de simplicité, j'évoquerai toujours les 4 branches initiales de l'arbre généalogique Jouve-Peyremorte à savoir les ascendants des parents de Jacques et donc les branches Jouve et Gazel et les ascendants des parents de Michèle, à savoir les branches Peyremorte et Grassot.






L'endogamie et donc l'absence de mobilité représentent plutôt la règle ....


En général, l'absence de mobilité dans un arbre généalogique est un phénomène fréquent, notamment avant le 19ème siècle, moment à partir duquel on note une plus grande mobilité géographique,due en particulier au développement des moyens et des voies de communication.

Ainsi, dans un arbre généalogique d'une personne née dans la première moitié du 20ème siècle, les ancêtres recensés sont originaires d'un à deux départements actuels, voire de trois ou quatre. Pas plus.

Ce cantonnement résulte du fait que les unions entre deux familles se déroulaient dans une même communauté (professionnelle, géographique, confessionnelle etc.) ou dans un même réseau de connaissances, car jusqu'au 20ème siècle le mariage était plus souvent le résultat d'un choix familial que celui, personnel, de deux amoureux transis.

Par exemple des notaires, des maréchaux-ferrants ou des laboureurs voisins unissaient leurs progénitures, soit pour agrandir des terres et/ou pour gérer "la concurrence", soit pour intégrer un apprenti dans la maisonnée etc.

Cette endogamie sociale qui a donc pour objectif le maintien ou l'agrandissement du patrimoine conduit évidemment pour les exploitants agricoles à transmettre l'exploitation d'une génération à l'autre, caractéristique très marquée dans l'arbre 
généalogique de Jacques.
Prenons par exemple le mas des Raynauds et la famille Tourvieille dont Jacques est issu par deux ascendants 1
Cette propriété entre dans la fami
lle Tourvieille avec le mariage entre Charles Tourvieille (né à Ailhon au mas des Lentillères en 1723 et décédé en 1818 à l'âge très respectable de 95 ans) et Marie Raynaud (née en 1733 à Joannas - décédée après 1781) pendant huit générations jusqu'au milieu du 20ème siècle, c'est à dire à peu près 200 ans.

Avant de passer dans le patrimoine de la famille Tourvieille, le mas était possédé par la famille Raynaud ce qui est l'on ne peut plus logique. Le père de Marie Raynaud, Marc, y naquît en 1708, son père Louis Raynaud probablement aussi2 car lorsque son grand-père se marie en 1681 avec Jeanne Aymes, il vient déjà du mas de Reynaud. En termes de continuité, difficile de mieux faire.



1 Les deux grands parents maternels de Jacques étaient issus de Jean et de Françoise Tourvieille enfants de Jacques Tourvieille (1650-1693) et de Marie Mazoyer (1651-?), d'abord en ligne directe par Clotilde Tourvieille (1859-1880) (l'arrière grand-mère de Jacques par sa mère) et par son grand père maternel, Louis Gazel (1873- 1944) étant le descendant au 5ème degré de Françoise Tourvieille.

2 Il y réside au moment de son mariage avec Jeanne Ayme qui est voisine puisqu'elle vient du Chabrolin.  
 

... avec un zeste de consanguinité normal


Des mariages arrangés toujours dans une même communauté nous font tout suite penser à la consanguinité, avec les problèmes génétiques qui vont avec .....

Rien de plus logique toutefois que de finir par s'unir avec un parent éloigné lorsque de génération en génération vos parents ou grands parents ont planifié pour vous des unions plus ou moins endogamiques.

Nous sommes tous d'ailleurs les descendants d'ancêtres communs (ou d'implexes qui est le terme utilisé en généalogie) car si tous nos ancêtres étaient des personnes différentes, une personne née en 1975 descendrait à la 31ème génération (soit aux environs de l'an 1200 si l'on compte une génération tous les 25 ans) de 2 milliards d'ancêtres ce qui est rigoureusement impossible ! 



... mais maîtrisé et donc peu susceptible de générer des tares


La consanguinité s'est donc produite partout par le passé tout en étant finalement très diluée, compte-tenu des interdits culturels et juridiques qui ont toujours existé pour préserver les générations futures de problèmes génétiques.

Ainsi dans l'Ancien Régime, le mariage entre ascendants et descendants directs (frère-soeur, père-fille ou mère-fils) étaient déjà prohibés et les alliances entre collatéraux étaient soumises à la demande d'une dispense de l'église pour passer outre.

En particulier, un mariage entre deux cousins germains (qui sont séparés par deux degrés de parenté de chaque côté) nécessitait une dispense du Pape ou de son représentant tandis qu'une consanguinité au delà ne nécessitait qu'une dispense de l'évêque2.


2 Avant de perdre mes lecteurs dans cette affaire, voici quelque éléments sur la parenté : un frère et une sœur sont séparés chacun par un seul degré de parenté (il existe qu'un seul degré entre leurs parents et chacun d'eux). Des cousins germains sont séparés par deux degrés de parenté. Il existe ainsi deux degrés entre Morgane et Victor. Il pourra y avoir une asymétrie dans les degré de parenté comme par exemple Sylvia et Valentin qui sont liés au deuxième et troisième degré de parenté. En effet, Sylvia est séparée de son grand-père Peyremorte par deux degrés de parenté (entre Sylvia et son père et son père et son grand-père) tandis que Valentin est séparé de son arrière grand-père par trois degrés (intervalle entre lui et Béné, Béné et Michèle et Michèle et son père).

 

Comme c'est compliqué et dans l'hypothèse où je vous ai perdu avec la note de bas de page, vous pouvez toujours vous reporter à ce blog qui explique assez bien la notion d'affinité dans l'ancien Régime et les interdits qu'elle entraîne.
Pour mémoire, le mariage est également interdit aujourd'hui en droit français dans les mêmes conditions :

  • entre frère et sœur, même en cas d'adoption, 
  • entre ascendant et descendant (le lien de parenté est direct entre enfant et parent),  
  • entre beaux-parents (parâtre, marâtre) et beau-fils ou belle-fille (ex : une fille d'un premier mariage et le deuxième mari de sa mère), 
  • ainsi qu'entre oncle et nièce, ou neveu et tante.

Dans les derniers cas toutefois, l'interdiction peut-être levée par le Président de la République sous certaines conditions. A signaler que le code civil permet le mariage entre cousins germains sans autorisation.



Higelin - Attentat à la Pudeur


Alors qu'en est-il des branches Jouve et des Peyremorte?


Comme on la vu, la consanguinité concerne toutes les ascendances, y compris les meilleures maisons comme celle des Jouve ou des Grassot.

Pour prendre des exemples familiaux, les parents de Jacques, Gustave Jouve et Marie Gazel étaient (probablement sans le savoir), parents au sixième degré (nombre de générations les séparant d'un couple d'ancêtres communs).

Ils descendaient tous les deux de Joseph Gazel (un laboureur né en 1705 à Jaujac et décédé en 1781 à Rocher au lieu-dit Champclos ... déjà !) et de Marie Alix Angeli (née en 1716 à Champclos et décédée en novembre 1781 à Champ-Clos).

Au moment du mariage qui eut lieu le 20 février 1740 à Joannas, Joseph Gazel était veuf d'une certaine Marianne Lieutier dont il avait eu deux enfants. Comme Joseph Gazel venait de Jaujac et que son père et avant lui son grand-père y vivaient (au lieu dit "les traverses"), la lignée des Gazel à Champ-Clos a donc dû commencer par lui.

De la même manière, les grands parents paternels de Marie Gazel, la mère de Jacques, avaient des arrières grands parents en commun ce qui, pour ramener à un exemple concret, reviendrait au même lien de parenté entre un enfant de Guillaume et un enfant de Solène.

Cet arrière grand père s'appelait Louis Deguilhem (naissance en 1740, La Blache, paroisse de Prunet - décès en 1814 à Prunet) et sa femme Madeleine Sauzet (née vers 1757 à Saint Cirgues la Prades et décédée en 1807 à Prunet). Louis Deguilhem était un cultivateur plutôt aisé car au moment de son décès, le montant de la succession enregistrée était de 13 900 francs (bureau de Largentière).

Du côté de Michèle, j'ai relevé une très rare exception dans son arbre généalogique (un seul autre implexe) qui concerne toutefois une parenté proche puisqu'il s'agit de l'union entre un homme et sa cousine germaine.

En effet, l'arrière grand-père de Georgette Grassot la mère de Michèle, Joseph Guillaume Grassot (1809-1890) épousa sa cousine germaine Marie Thérèse Grassot (1806-1884), le 28 février 1838 à Saint Nazaire le Désert dans la Drôme.

Lui était maçon au moment du mariage et elle ménagère (c'est à dire sans profession), veuve d'un certain Etienne Beaudouin décédé deux ans auparavant.

Le petit-fils de ce couple, Joseph Grassot va prendre le contrepied de ces stratégies patrimoniales, en partant de sa Drôme natale pour exercer son métier d'employé du Crédit Lyonnais à Alger.

Après avoir répondu à l'appel du grand-large, il va améliorer le patrimoine génétique de sa descendance en épousant Marie Pascaline Plana. Il n'y avait pas de risque que cette fille d'ouvriers espagnols de Callosa d'En Sarrià de la province d'Alicante ait une quelconque parenté avec cet homme de Saint Nazaire le Désert. 





Serge Gainsbourg - Lemon Incest 

 

... Et si Jacques et Michèle étaient apparentés?


Quand on examine la question des implexes en généalogie, on finit toujours par se poser la question de savoir si nos propres parents n'ont pas un lien de parenté, même lointain.

Cela n'est pas véritablement un sujet tabou pour un généalogiste dont le métier est justement de se confronter aux liens familiaux et de les décortiquer.

En revanche et même muni d'explications rassurantes, un néophyte aura soudain une vision dégoûtée de relations incestueuses et d'enfants dotés de 6 doigts et un peu attardés.

Quand j'ai évoqué l'éventualité que son père et sa mère pouvaient avoir un ascendant en commun, j'ai vu comme une légère inquiétude dans les yeux de Jean-Philippe. Qu'est ce que c'est que cette histoire?

Disons le tout de suite très clairement : pas de cousinage trouvé entre Jacques et Michèle pour l'instant mais quand même la certitude que leurs ancêtres se croisèrent au 17ème siècle vers Saint Julien du Serre en Ardèche.

C'est ainsi que les ancêtres de Jacques à la 11ème génération, Claude Gamel (né vers 1655 et décédé en 1728) et Gabrielle Durand (née vers 1655 à Asperjoc et décédée en 1710) son épouse, ménagers3 au village du Suel à Saint Julien de Serre au nord d'Aubenas ont pu connaître Louis Espic (vers 1640-1705) et Judith Estieulle (vers 1635-1710), des aïeux de Michèle (à la 11ème génération également) qui vivaient au village de Marconnave dans la paroisse de Saint Julien du Serre mais à 4 kms au nord du bourg.

Je n'ai pas la profession de Louis Espic, mais un de ses fils était dit être "travailleur de la terre" ce qui correspondrait à un ouvrier agricole et donc qui loue ses bras pour gagner sa vie.



3 un ménager est un petit propriétaire terrien qui exploite sa terre.

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