vendredi 13 mai 2016

Marie, n’épouse jamais un paysan !


En haut de la volée d'escalier, Mamie (Marie Gazel) à côté de sa mère Valentine, Milet au premier plan


La montagne de Jean Ferrat (1964)


Récit de Maman 

Vos grand-parents paternels se sont mariés le 7 mars 1938. Votre grand-père Gustave Jouve est né le 13 juillet 1910. Il a perdu sa mère, Clothilde Anna Jouve le 8 Mars 1920, alors qu’il avait seulement 10 ans. Son père Adrien Jouve, boulanger au Travers à Joannas, s’est remarié un an après avec Marthe qui lui a donné une fille Pierrette mariée depuis à Martin de Largentière. Votre grand-mère, Marie Jouve née Gazel est la fille de Louis Léopold Gazel et de Valentine Pouzache. Elle est née le 19 Mai 1908.


Joannas vu du Travers
 
Gustave et Marie Jouve



La mère de mamie, Valentine Pouzache, venait de la ville. Elle était orpheline de mère, son père était négociant en vin à St Etienne. Le père Pouzache se remaria. Il ne savait pas trop que faire de cette fille unique sans le sou. La marraine de Valentine avait de la famille en Ardèche, il put par son intermédiaire la placer à Vinezac en attendant de lui trouver un mari.

Un mariage fut arrangé avec Champ Clos parce que « c’était une bonne maison ». D’après maman qui avait été frappée par l’indigence de l’ameublement de la propriété, cela devait signifier que, dans une Ardèche très pauvre, on y avait toujours mangé à sa faim.


Le lendemain de ses noces avec Louis Léopold Gazel, on n’en envoya pas moins Valentine nourrir les cochons. La fille de la ville en fût traumatisée et n’eut de cesse de dire à mamie : « N’épouse jamais un paysan ! ». Quand mamie est arrivée en âge de se marier sa mère n’arrêtait pas de lui dire : « Va pas dans cette maison, y a trop de vaches ! Va pas dans celle-ci y a trop de cochons ... »

Il est vrai qu’en ce temps là, femme à la campagne n’était pas une sinécure. Papa se rappelle que sa grand-mère qui faisait le repas, les servait puis mangeait seule ensuite au coin de la cheminée. Mamie d’ailleurs n’était pas loin d’en faire de même, il fallait se battre pour qu’elle s’assoie et mange en même temps que nous. Beaucoup de femmes refusaient déjà cette condition d’esclave au point qu’il y avait alors dans les villages beaucoup d’hommes, y compris, selon papa de « beaux garçons », qui restaient célibataires, faute d’avoir pu trouver épouse.

Mamie était plutôt de santé fragile par rapport à ses autres frères et sœurs : du rhumatisme articulaire l’avait cloué près d’un an au repos dans un fauteuil. Forte de cet handicap, elle ne faisait pas grand chose à Champ Clos, au plus la bergère.



Marie Gazel chez les Rouvière de la Graillerie à Pont de Cherruy



Sa tante Louise mariée avec un Rouvière de la Graillerie de Laurac, avait un fils Jean qui était comptable dans une usine de Pont de Cherruy. Ce cousin et sa femme l’invitèrent à venir y travailler. Ce travail ne lui convenant pas du tout et puisque le couple avaient deux enfants trisomiques, elle resta chez eux pour aider leur mère.

Ce fut peut-être les meilleures années de sa vie : une maison avec le chauffage central, la salle de bain, une voiture pour sortir, aller au restaurant...

Un jour pourtant, elle dût rentrer au pays. A 29 ans, à une époque où coiffer Ste Catherine (être célibataire à 25 ans) était à la limite du déshonneur, on lui avait enfin trouvé un parti : le fils du boulanger de Joannas.


 
Marie Gazel chez les Rouvière



Il faut dire que mamie n’était pas un premier prix de beauté même si elle était sûrement fraîche et appétissante, elle avait hérité du nez Gazel, presque aussi encombrant que celui de Cyrano et ce nez lui a toujours empoisonné l’existence. 


Gustave Jouve adolescent
Gustave Jouve appelé du contingent



Elle a dû être séduite par papi qui était plutôt joli garçon. Lui, en revanche, a dû accepter ce mariage après une grosse déception sentimentale. Il avait été très amoureux d’une fille Merle, une jolie fille. N’étant que l’ouvrier de son père, il n’était pas forcément un très bon parti. Cette dernière partit à Lyon, où elle épousa un certain Pical.

Le 7 mars 1938, Gustave Jouve épousait Marie Gazel. Le couple fit son voyage de noce à Paris où il fut hébergé par la cousine de Mamie puis il s’installa au Travers dans la partie de la maison familiale que papi tenait de sa mère décédée.


 
Mariage de Gustave Jouve et Marie Gazel 7-3-1938



Papi était ouvrier boulanger pour son père, c’est notamment lui qui était chargé de faire les livraisons dans les villages avec la voiture. Mamie servirait à l’épicerie...

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